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Ironman Frankfort

Dimanche 2 juillet je suis au départ de l'Ironman Frankfort.

J'aborde la course avec une grosse motivation. Malgré un bel engagement physique, je ne parviens pas à maintenir mon effort jusqu'au bout. Genèse d'une course avortée.

Inter-saison

Préparer un full distance demande une attention toute particulière. Ta saison s'articule exclusivement autour de cet objectif. La préparation exige une assiduité sans faille. Les mois d'hiver sont les plus longs. Il faut gérer les hauts et les bas. Cela passe tellement lentement. Il te faut redoubler de motivation quand il fait froid, que tu es malade ou bien blessé. Avant d’attaquer une nouvelle saison, il faut déjà digérer la précédente. C’est deux full distance au compteur pour moi avec l’Ironman Vitoria-Gasteiz et Ironman Cascais - Portugal. Mon corps a subi les affres d'un gros entraînement. A cela s'ajoute une entorse de cheville faite en pleine préparation. J'ai sérieusement maltraité ma cheville. Avec tous ces kilomètres avalés, il en résulte une cheville traumatisée et mal en point. Repos. Examen. Kiné. De longs mois sont nécessaires pour rééduquer et réparer cette cheville plus laxe que du slime.
Janvier je gambade comme un cabris. Et puis ça fait...Bim bam boum....dans mon corps j'ai la Covid. 4 semaines d'arrêt.
Février reprise des entraînements. Une nouvelle douleur se fait ressentir. Je souffre de l'épaule. Impossible de nager. Re-repos. Re-examens. Re-kiné. Re-fait chier. 3 semaines d'arrêt.
Et là tu te poses une question fondamentale. C'est moi le problème ou bien ? Je découvre à mes dépends les tourments du sportif quinquagénaire refusant d'abdiquer.
Le printemps ouvre la voie au renouveau. Je ne peux toujours pas nager à ma guise. Mais je parviens à sortir la tête de l'eau. Les semaines s'enchaînent. Le volume décolle. Il n'y a bien que ma balance qui fait la gueule. Avec tous ces kilomètres parcourus, mon empreinte carbone n'aura jamais été aussi verte. Un aller-retour Paris-Hawaii, il demeurait négatif !
Revenons à nos moutons. Il me reste une dernière étape à franchir. La course de préparation. Je prends le départ du Challenge Cagnes / Mer. J'apprécie cette épreuve pour son parcours, son organisation et son Col de Vence. Nostalgique, il me rappelle mes débuts en triathlon à Nice format 4-120-30.
Le triathlon format L se déroule sans une ombre au tableau. Je parviens à maintenir une belle intensité dans les trois disciplines. A S-3 cela devrait être encourageant. Pas sûr car envoyer 4H45' d'effort n'est rien comparé aux exigences d'un full distance. La suite n'est pas plus facile à gérer. Il faut récupérer tout en maintenant la cadence. La fatigue s'efface au profit de l'affûtage.
L'Ironman Francfort n'est pas la course la plus emblématique d'allemagne. Le Challenge ROTH en est sa grande rivale. Néanmoins sa réputation n'est plus à faire. L'ambiance sur le marathon y est incroyable. Les 1600m de dénivelé du parcours vélo sont annoncés roulants. Avec de bonnes jambes, cela devrait être sympa !
Nouveauté. Cette année je roule sur le Cube Aerium TT (modèle UCI à disque). Le cadre est selon moi plus polyvalent et surtout plus abordable que ne l'est l'exclusif Cube Aerium C68. Paroles d'amateurs.
J-2. Nous décollons de Nice, ma famille, mon vélo et moi pour Francfort. Nous sommes accueillis par la pluie. Pour un sudiste c'est le drame. Je remonte mon vélo de chrono. Mauvaise surprise. Mes plaquettes frottent les disques sans que je puisse renvoyer les pistons. J'ai fait l'erreur du débutant. J'ai oublié de protéger les étriers avec des cales de plaquettes. L'heure tourne, retrait du dossard, préparation des sacs de transition, puis dépose du bike. Je dois rallier T1 dans l'espoir de trouver un mécano. L'organisation des navettes de bus est chaotique. Il me faudra plus de 4h pour déposer mon bike sans voir un mécano.
Race Day
  • 4H00 : Lever.
  • 5H00 : Départ de la tribue.
  • 5h15 : Navette bus.
  • 6H20 : Arrivée.
1H05 pour faire 15 km ! La course n'a pas commencé que la moyenne est déjà en chute libre. La faute à pas de chance. Le chauffeur s'est perdu en chemin. Nous devons notre salut à un athlète qui parvient à guider le chauffeur. Je déboule dans le parc à vélos à 15 minutes du départ. La check liste est simple : pression des pneus, diététique et boissons. Exit le mécano. Exit le poki. Exit l'échauffement...
Rolling Start
Je parviens à me faufiler en tête de pont. SAS -1h. Je m'élance parmi les premières vagues. Le départ n'est pas très rapide. Je suis en mode mise en route. Mon objectif est de durer plus que de me précipiter. Cela frotte sur 400m. Il faut jouer des coudes pour tenir son rang. Rapidement je trouve mon rythme. Le parcours est constitué de deux boucles. Un auto lap 500m me donne le tempo. Les bouées passent grave lentement. Ce n'est pas bon signe. Sortie de l'eau à l'Australienne. L'ambiance festive donne un vrai coup de fouet. Le deuxième tour est plus long mais passe plus vite. Je suis chaud. Je sors de l'eau. Je lap. Cinquante sept minutes. Ce n'est pas rapide. Je grimace.

Swim 57'40"

Ultime effort, il faut gravir une petite rampe avant d’atteindre le parc à vélos. Je récupère mon sac BIB 259. Transition rapide. C’est parti pour une belle balade à vélo. C’est la promesse !
Les premiers kilomètres, plats et rectilignes, empruntent une quatre voies. Le retour sur Francfort est ultra roulant. Beaucoup plus rapide qu’à l’aller (pour ceux qui suivent…). Puis il faut traverser une partie urbaine plus technique avec des voies de tramway, virages et ponts d'autoroutes. Soudain mon optimisme s’éteint avec mon sourire. Mes disques frottent. Dans les petites descentes, je me contorsionne pour atteindre mon étrier de freins avant. Je parviens à faire bouger le support des plaquettes. Mais c’est peine perdue, le disque frotte sur les plaquettes. A chaque coup de frein j’ai l’impression que cela empire. Le plus dur dans tout cela, c’est de faire abstraction du problème. Je dois me focaliser exclusivement sur la course. J’ai 180 km à avaler dans ces conditions. La gamberge est déjà en marche…
Tu t'entraînes comme un malade pour grappiller 5 watts sur ta FTP. Ton équipement est digne d’une dotation spaceX. Ta trifonction est une seconde peau façon SpiderMan. Ton casque aéro est estampillé NASA. Ton vélo de chrono est plus aéro qu’un Airbus. Et toi tu as les freins qui frottent. C'est ballot.
Je tente une dernière volte face façon humour vache. Allez Frott'Man, vas-y fonce !
Bref…je poursuis mon bonhomme de chemin. Les sensations sont bonnes. Le cardio est un peu haut sur les deux premières heures. Mes pulsations cardiaques se situent en limite basse de SV1. Puis je lisse mon effort. Je découvre ce magnifique parcours à l’aveugle. Les routes sont vraiment très belles. De nombreuses petites bosses ponctuent la progression. Puis arrive la fameuse partie pavée en montée s’il vous plaît ! Elle réveillerait un mort. Le vélo saute grave. Il vibre plus fort qu’une power plate. C’est la valse des bidons Mdr…
Les ravitaillements sont en nombre suffisants et très largement dotés. Les bénévoles sont efficaces et très attentionnés. La rigueur toute germanique mériterait une médaille d’or. Au cours des deux boucles vélo, je passerai par deux fois devant le stand mécanique. Je renonce au pit stop. Je préfère passer mon chemin par peur de perdre du temps. Avec du recul, j’aurai dû m'arrêter. Car si j’ai bien capté un souci à l’avant. Je ne réalise pas que le problème était identique à l’arrière. Résultat, les plaquettes auront complètement strié le disque arrière. Rappelez-vous cet adage. Les voyages forment la jeunesse et déforment les disques.
Les dix derniers kilomètres du parcours se font en descente. Je me ravitaille. Je me relâche. Je tourne les jambes. L’arrivée au parc est toute proche. Je retrouve la civilisation, la vie et l’ambiance festive. Je laisse derrière moi mes soucis mécaniques. La descente du vélo est chancelante. Je trotte et trottine. Je remonte tout le parc pour poser mon vélo.

Bike 4H58’

Je décroche mon sac de transition. J’enfile mes runnings. Casquette. Lunettes. Et ravito. Je bouillonne d’impatience. J’ai rarement été aussi heureux de partir à pied. J'ai le couteau entre les dents façon Rahan, fils des âges farouches ! Ma tribu est là tout prêt de moi sur l’aire de transition. Je les entends. Je les vois. Je ressens leur soutien et leurs encouragements. Ils me poussent. L’instant est bref mais c’est une sacré bouffée d’oxygène !
Je m’élance enfin sur le marathon. Je ne ressens pas de fatigue. J’ai de bonnes jambes. J’ai subi sur le vélo mais je ressens le besoin d’évacuer. Je cours sans me soucier de rien. Aujourd’hui je suis en mode free style. Les premiers kilomètres défilent à une vitesse folle. Attention à ne pas partir trop vite tout de même. A ce stade de la course, les sensations sont souvent trompeuses. Je vérifie ma fréquence cardiaque 135 puls. C’est parfait. Le problème c’est l’allure. Je cours trop vite. Les laps m’indiquent une allure proche de 14 km/h. Je n’ai jamais tenu à cette allure. Mon expérience est censée calmer mes ardeurs. Mais l’envie de forcer mon destin est plus forte. Je ne suis pas euphorique mais plutôt déterminé. Je cours en aisance respiratoire. C’est bon signe. Ma foulée est dynamique. Je pousse mon corps vers l’avant. Je suis gainé, tendu comme une arbalète.
Le premier tour est vite avalé. J’entame le second tour sur le même tempo. Je croise à nouveau ma team family. C’est l’euphorie. Je suis galvanisé par autant d'énergie. Le parcours marathon qui longe le cours d’eau, le Main, accueille une foule énorme et joyeuse. Le public est présent tout au long du parcours. Je n’ai jamais vécu une telle ambiance festive, familiale et bon enfant !
Au semi ça se gâte. J’ai des crampes d’estomac. Une halte forcée au pit stop s’avère vitale. Mon transit intestinal est contrarié. J’essaie de repartir au plus vite. Mais c’est peine perdue. Je n’arrive pas à remettre en route la machine. Je suis plié en deux de douleurs. J’ai toute la ceinture abdominale hyper tendue. J’alterne marche et course. Aux ravitos. Je me focalise sur le coca dans l’espoir de nettoyer la tuyauterie. Un lavement aurait été plus efficace. Mais la technique est passée de mode. Je boucle péniblement le troisième tour. Le mot abandonner ne figure pas dans mon vocabulaire. J’ai basculé en mode marche ou crève. Mon cerveau bombarde mon système nerveux de stimulis. Je cours péniblement à 10 km/h. J’aborde le dernier tour, je parviens à nouveau à courir quasi normalement. Je passe de 6’00” au kilo à 5’45”, 5’30, 5’15”, 5’00”... Je termine le marathon à 12 km/h, un exploit !
Voir Römerberg ou mourir !
Je m’engage sur la dernière ligne droite qui me conduit vers l’emblématique ligne d’arrivée. Le Römerberg, place centrale du quartier médiéval, accueille des tribunes pleines à craquer. Rebaptisée Road to Kona...et pour cause, l’Allemagne est la deuxième nation la plus représentée à Hawaii. Je franchis la ligne d’arrivée sous les acclamations de ma petite famille. J’ai la banane mais à l’intérieur c’est un volcan qui bouillonne.

Run 3h36’

Je termine l’Ironman Francfort le sourire au lèvre, heureux de franchir la ligne d’arrivée. Le chrono est anecdotique. La gestion est empirique. Mais au fond de moi je demeure satisfait au regard des petits pépins qui ont ponctué ma journée. La morale de l’histoire se résume en la dualité de ce sport : beauté et brutalité. Avec toutes ces années de pratique, je demeure un élève candide. Chaque course est une expérience unique. Tu découvres de nouvelles sensations à chaque épreuve : parfois bonnes, parfois moins agréables. C’est le jeu !

1978 - O'ahu - Etats-Unis, trois farfelux se lancent le défi d'affronter le premier triathlon de l’histoire. Aujourd’hui encore des hommes et des femmes font vivre cette magie et se lancent ce même défi. La beauté du sport est universelle. Elle n’est la propriété de personne. Elle vit en chacun de nous.

A cinquante ans, le meilleur est derrière moi. Pourtant, je demeure viscéralement attaché à la distance reine. Et pour cause, elle est à l'origine du triathlon !

Résultats

Edouard Entraygues 102e | 5e 50-54
Natation : 00:57:40
Vélo : 4:58:55
Course à pied : 3:36:05
Temps : 9:40:53